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Arnauld Delacroix : La Mothe-Chandeniers, symbiose homme-nature. Garden_Lab#12 - Architecture & jardins.

Arnauld Delacroix : La Mothe-Chandeniers, symbiose homme-nature

Aux confins de la Vallée de la Loire, au château de la Mothe-Chandeniers, un étonnant dialogue entre nature et architecture s’écrit depuis près d’un siècle. Le paysagiste Arnauld Delacroix œuvre aujourd’hui à sublimer cet équilibre délicat.

« La magie du mariage de la pierre et du végétal repose sur un équilibre extrêmement fragile », résume le paysagiste Arnauld Delacroix à propos du lieu. Il est vrai que l’impression laissée par le château de la Mothe-Chandeniers est des plus singulières : en quatre-vingt-dix années d’abandon, nature et architecture ont appris à s’apprivoiser avant de finir par s’unir dans une symbiose parfaite et saisissante. Situé dans la Vienne, à une petite trentaine de kilomètres de Saumur, le château édifié vers le XIIIe siècle et aujourd’hui en ruine offre au visiteur un tableau à la fois mystérieux, romantique et hors du temps. L’histoire n’aura pas oublié́ la bâtisse qui connut la renommée, l’abandon, la reconstruction… puis le feu et une étrange survie : depuis l’incendie du château dans les années 1930, la végétation y a élu domicile. « La première fois que j’ai vu la cour du château de la Mothe-Chandeniers envahie de végétation, j’ai été bouleversé », se souvient Romain Delaume, cofondateur de Dartagnans. En 2017, cette plateforme française de financement participatif dédiée à la préservation du patrimoine culturel ambitionne de restaurer et de redonner vie au château, tout en y développant un projet culturel, pédagogique et économique. Grâce à l’action de cette dernière, le château de la Mothe-Chandeniers est racheté et sauvé par près de vingt-huit mille « cochâtelains » passionnés, originaires de cent quinze pays. Pour mener à bien les travaux de restauration, l’équipe de Dartagnans fait alors appel au duo composé de l’architecte du patrimoine Carsten Hanssen et du paysagiste Arnauld Delacroix, en charge de l’aménagement des espaces naturels.

Lors de sa première visite, celui-ci se souvient du site se dévoilant à lui tel un secret bien gardé pendant près d’un siècle : dans la cour pavée du château, les arbres s’élèvent du sol, les plantes s’épanouissent dans les interstices des façades… La végétation a repris ses droits dans une union étroite mais précaire entre architecture et nature enchanteresse. Ce même jour, alors que certains bénévoles s’emploient à nettoyer les lieux, au risque de déposséder le château de sa végétation « envahissante », Arnauld Delacroix stoppe le chantier. « Ne touchez à rien, clame-t-il. Regardez la fragilité du lieu. C’est grâce au dépôt de feuilles des arbres qu’une vie du sol a pu naître et que les graines ont pu germer. » Le bois, les meubles, les planchers et toitures brûlés lors de l’incendie ont créé des sédiments, mangés par des insectes, eux-mêmes mangés par des oiseaux, lesquels ont apporté des graines, permettant aux arbres de s’implanter au milieu de la cour pour disposer d’un maximum de lumière. « En Europe, il faut compter environ deux mille ans pour qu’une surface rocheuse nue laisse place à une forêt, explique Arnauld Delacroix. Dans ce cas précis, l’incendie du château a permis d’accélérer le processus, mais cet écosystème est arrivé en quatre-vingt-dix ans à un équilibre très fragile ».

Arnauld Delacroix : La Mothe-Chandeniers, symbiose homme-nature. Garden_Lab#12 - Architecture & jardins.

« La ruine a permis le développement d’une diversité d’habitats et d’écosystèmes incroyable. »

L’ensemble ruine-végétation forme ce que le paysagiste appelle « un organisme global ». Ici, la nature ne saurait se passer de la pierre. « Ce qui est particulièrement intéressant sur ce lieu, c’est la coexistence de la terre, de l’eau, ainsi que de la ruine, ici assimilée à une falaise. Dans le paysage alentour, il n’y a pas de montagnes, pas de forêts, pas de rivières, mais là, sur quelques centaines de mètres carrés, la présence de la ruine a permis le développement d’une diversité d’habitats et d’écosystèmes incroyable », continue Arnauld Delacroix. On y retrouve des écotones, ou lisières : des zones de transition écologique entre deux écosystèmes distincts.

Ces environnements sont extrêmement riches en biodiversité. Tout l’enjeu pour le paysagiste consiste alors à sécuriser la ruine, consolider le bâti et aménager l’espace paysager tout en laissant la nature poursuivre son œuvre. « L’émotion laissée par le château de la Mothe-Chandeniers m’a tout de suite évoqué ces paysages romantiques du XIXe siècle, dit-il. Mais alors que le romantisme de l’époque ne cachait pas son goût pour les ruines mises en scène au cœur de jardins impeccablement jardinés, on peut se demander quelle serait la réinterprétation de ce paysage au XXIe siècle. Le jardin parfaitement maîtrisé laisse désormais la place à la notion d’écosystème préservé. » Un travail très fin doit donc être réalisé pour établir un parcours de visite dans la nature sans que l’on ait l’impression d’une intervention humaine. « C’est tout l’enjeu du projet : préserver l’autosuffisance du paysage, un équilibre écologique que même le piétinement des visiteurs pourrait déstabiliser. Actuellement, il est seulement possible de pénétrer le château au niveau de la cour intérieure. Dans les mois à venir, au fur et à mesure de la restauration du bâti, nous allons dessiner un parcours de visite sur passerelles qui permettra de monter dans le château et parcourir les ruines tout en laissant la végétation établie intacte », détaille Arnauld Delacroix. D’ores et déjà ouvert au public, le château de la Mothe-Chandeniers entend donc faire figure d’exception parmi les châteaux de la Loire et leurs « jardins à la française ». Ici, le patrimoine porte la voix d’une histoire, mais aussi d’un futur où l’architecture ne se construit plus en opposition avec la nature et où la main de l’homme est destinée à composer plutôt qu’à maîtriser. « Nous avons réussi à démontrer que l’intérêt et la magie du site résidaient dans le mariage de la végétation et des ruines, autrement dit dans la fusion parfaite entre la nature et l’ouvrage de l’homme », conclut le paysagiste. De quoi nourrir notre réflexion quant à la manière dont nous devons réapprendre à (co)habiter (avec) la terre.

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Cet article est extrait du douzième opus de la revue Garden_Lab : Architecture et jardins. À découvrir dans sa version intégrale

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