En plein cœur de la Puisaye, un ancien relai de poste aux portes d’une forêt est devenu le terrain d’expérimentations agroforestières et jardinières de la scénographe paysagiste Soline Portmann.

En 2009, lorsque les parents de Soline Portmann acquièrent près de Toucy, dans l’Yonne, un ancien relai de poste du xviii^e siècle, un temps la propriété de Pierre Larousse avant de devenir une ferme, la famille s’est unanimement émue de la préservation du site et de la présence des arbres. Entouré par 300 ha de forêt de chênes et de charmes, le domaine est traversé par une allée cavalière jalonnée d’arbres têtards oubliés. « Ces trognes donnent toute l’identité du lieu, en raconte son histoire et son importance pour le pays », explique Soline Portmann, scénographe et paysagiste. La diversité des usages et des occupants a généré une mosaïque d’aménagements paysagers. Ancien chenil, bâtiments et terres agricoles, gestion forestière, parc jardiné et arboré cohabitent.

Leçon d’humilité

En parallèle de la rénovation des bâtis, Soline Portmann engage une réflexion sur le réaménagement des terres – une cinquantaine d’hectares dont 35 ha de forêt. Fraîchement lancée dans l’univers du paysage, elle décide d’en faire un site d’expérimentations multiples.

« Des arbres patrimoniaux datant du début du xx^e siècle, abandonnés, avaient besoin d’attention, se souvient-elle. Un séquoia, quelques chênes magnifiques étaient en concurrence avec d’autres sujets. Au fil des années, nous avons sélectionné les arbres à éliminer de façon à permettre aux autres de ne plus être contraints. » Vient alors la question de l’orientation à donner au site tout entier : « Décide-t-on de se replier sur soi et de s’entourer de haies, ou profite-t-on des ouvertures créées par la coupe des arbres pour être en reliance avec le paysage ? » L’option 2 est retenue. Le stabilisé qui recouvrait les abords de la ferme est retiré au profit de lignes courbes et engazonnées, d’allées et de circulations en accord avec les nouveaux usages des occupants. Les arbres conservés sont taillés et soignés. Des buis et une palette végétale en accord avec l’histoire du lieu sont installés sur les 2 ha jardinés. L’allée cavalière, « véritable colonne vertébrale du terrain », est dégagée et élargie avec des semis spontanés de façon à régénérer son tracé. L’ouverture sur le paysage se met en place. Deux grandes prairies jouxtent la partie habitée. Elles sont volontairement laissées naturelles et fauchées une fois par an. « Nous nous sommes rendu compte qu’elles accueillaient une grande diversité que nous souhaitions conserver. Lorsque je suis arrivée, ma première intention était de dessiner un projet de paysage à l’ancienne, en délimitant les zones, en décidant que le verger serait à tel endroit, que le potager, les massifs et les terrasses auraient telle allure. Les années passant, le site m’a appris comment faire. » La terre argileuse de la région est difficile à travailler. Soline Portmann déplore beaucoup de pertes parmi ses plantations : « Le territoire m’a montré de plein de manières différentes que j’allais trop vite. Les chenilles, les campagnols dévoraient les plantations. Le travail mécanique du sol l’a déstructuré et a retardé la fructification des arbres fruitiers… ce terrain m’a clairement signifié “regarde-nous, car nous savons faire” ! »

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A lire dans Garden_Lab#13, Des arbres & des hommes.