Le goût… Certains diront que tout est question de saveurs. D’autres qu’il s’agirait davantage d’avoir du flair. Pour clore le débat, sachez que le goût est avant tout une affaire de beaucoup de sens.
À l’occasion de la première édition du Lab des Paysages, consacré à la culture du goût, le mycologue, botaniste et professeur du Museum national d’Histoire naturelle de Paris, Marc-André Selosse, est revenu pour nous sur les différents mécanismes du goût.

Le goût, une simple question de saveurs ?

« Le goût, c’est à la fois le goût et le goût. Il y a le goût entendu dans le vocabulaire courant, et le goût au sens strict. Le sens du goût est celui qui nous permet de percevoir les cinq saveurs : l’acide, l’amer, le sucré, le salé, et l’umami. Il fait intervenir ce que l’on appelle le bourgeon du goût, situé sur la langue. Pour bien comprendre ce qui relève du goût et ce qui n’en relève pas, bouchez-vous simplement le nez ! Convenons-en, vous ne sentirez pas grand-chose… à part bien sûr ces fameuses cinq saveurs. C’est pourquoi, les perceptions qui sont strictement et physiologiquement du goût ne sont finalement que très peu de choses ! »

Le goût, une affaire de toucher

« Le second élément du goût, cette fois dans son sens courant, c’est le toucher, ce sont les textures. À la mise en bouche, vous sentirez peut-être un peu de velouté, de craquant, de croustillant… Il y a par exemple une famille de molécules, les tanins, qui ont la particularité de donner de l’astringence, cette sensation de rugosité retrouvée dans les vins. Toutes ces sensations sont celles que vous ne percevrez plus si vous arrêtez de bouger la bouche ; il faut que la langue, les muqueuses soient en mouvement. C’est le propre du toucher, et malgré la faible importance qui lui est donnée dans nos sociétés, le toucher fait partie du goût, du moins il le colore. »

Le goût, un certain trompe-l’œil !

« Un autre sens qui est convoqué dans notre perception du goût, c’est bien évidemment la vue. Une expérience intéressante avait été menée à ce sujet lors d’une dégustation de vins auprès de professionnels. D’abord les vins blancs. Puis le tour des vins rouges, ou plutôt le même vin blanc coloré en rouge. Et là, des descriptions de cassis, de fruits rouges, bref des descriptions de vin rouge ! Cela montre bien que la couleur de ce qu’on mange influe beaucoup sur ce qu’on va sentir, ce à quoi on va être sensible et la façon dont on va percevoir le goût d’un produit. »

L’olfaction, l’élément roi du goût

« L’élément roi du goût mais qui n’est pas à proprement parler du goût, c’est l’olfaction. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’olfaction intervient de deux façons. Il y a d’abord l’olfaction directe, lorsque les odeurs entrent dans le nez et atteignent les bourgeons de l’odorat situés dans la cavité nasale. Ensuite, il y a l’olfaction indirecte : lorsque les aliments nous arrivent en bouche. Or, la bouche est en communication avec la cavité nasale par l’arrière-bouche. Nous avons souvent l’impression que le goût est en bouche, mais en réalité, tout se passe dans le nez ! C’est ce qu’on appelle la rétro-olfaction, qui exige des mouvements, des circulations d’air. C’est la raison pour laquelle lorsqu’on a le nez bouché, qu’on est enrhumé, on n’a plus de goût ! La rétro-olfaction exige que lorsque nous mangeons, nous envoyions de l’air dans la cavité nasale par des mouvements lents et continus. Qui souffle de sa bouche dans son nez quand il mange ? Les œnologues savent le faire. Ça n’est pas évanescent et ça s’apprend. »

« Il faut casser l’idée défendue par Paul Broca qui, comparant le bulbe olfactif de l’Homme et celui du rat par rapport au cortex, concluait que celui de l’Homme était tout petit. Mais notre bulbe olfactif n’est pas petit, c’est notre cortex qui est gros ! Cette idée que nous serions une créature sans odorat est fausse. Simplement ce n’est pas donné, ça s’apprend. Or, nous vivons dans un déni des sens autres que la vue et l’ouïe, qui nous fait oublier ce qu’est un produit, un terroir. Quelque part, nous sommes privés d’une clé d’accès au monde réel. »

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Le 27 septembre 2022 se tenait la première édition du Lab des Paysages, co-organisé par Garden_Lab et Art & Jardins | Hauts-de-France, en plein cœur du Festival international de jardins I Hortillonnages Amiens. Un cycle de rencontres professionnelles dédié aux acteurs du jardin et du paysage, pour réfléchir et imaginer ensemble de nouvelles propositions paysagères.