Le 27 septembre 2022 se tenait la première édition du Lab des Paysages, co-organisée par Garden_Lab et art & jardins | Hauts-de-France, en plein cœur du Festival international de jardins I Hortillonnages Amiens. Un cycle de rencontres professionnelles thématiques dédié aux acteurs du jardin et du paysage, pour réfléchir et imaginer ensemble de nouvelles propositions paysagères.

L’alimentation et l’aménagement paysager sont deux enjeux majeurs de ce XXIe siècle. L’humanité fait face à de multiples crises sans trouver de solutions globales durables. Et si l’une des réponses était de repenser notre alimentation, de diversifier les ressources du goût, d’inventer de nouveaux paysages nourriciers à l’échelle des territoires ? Comment s’alimenter autrement ? L’art des jardins peut-il renouer avec une fonction vivrière ? Quelles pourraient être les nouvelles propositions paysagères de demain ?

Explorer une nouvelle « culture du goût » … Voilà l’ambition portée par la première édition du Lab des Paysages. Dans le cadre inspirant des Hortillonnages d’Amiens, l’événement a réuni près de 70 participants, marquant autant d’occasions de se rencontrer et d’échanger entre professionnels passionnés, et d’esquisser ensemble les contours de paysages comestibles originaux.

De la culture du goût dans nos sociétés

Qu’est-ce que le goût ? Quelle place tient-il dans nos vies et dans notre alimentation ? Et que dit-il plus largement du rapport que nos sociétés entretiennent à un territoire, un terroir, un paysage ? À l’occasion d’une conversation aussi éclairante que militante, le scientifique spécialiste de la diversité Marc-André Selosse et le délégué général du Collège Culinaire de France, Christian Regouby ont croisé leur regard sur les différents mécanismes du goût et sur les causes de son désapprentissage au fil des dernières décennies et de l’industrialisation de notre alimentation. Un constat non sans un horizon plus optimiste, nous offrant par ailleurs quelques pistes pour réhabiliter, selon les mots de Christian Regouby, une nouvelle culture du goût, capable d’« habiter tous nos sens éveillés et d’enrichir de nouveau notre relation aux autres et au monde ».

De la culture du goût dans nos jardins

L’un est jardinier en chef du Potager Colbert, sacré deux fois « plus beau potager de France », l’autre multiplie les casquettes de paysagiste, pépiniériste et horticultrice spécialisée dans la production et la promotion d’herbes et fleurs comestibles. Deux parcours distincts, mais un dessein commun : Mickaël Vincent et Pauline Dominicy ont tous deux la passion de ceux qui cultivent et l’envie de réveiller notre curiosité à la découverte de nouvelles saveurs. À travers leurs témoignages et leurs pratiques de terrain, une idée ayant déjà germée a continué de croître dans nos esprits : le jardin – qu’il soit privé ou partagé – ne serait-il pas la meilleure porte d’entrée pour introduire et mieux connaître la diversité des saveurs, susciter l’intérêt et contribuer à changer les habitudes alimentaires ? « Il faut arrêter de dissocier le jardin vivrier du jardin d’agrément. Le jardin nourricier peut naître d’un savant mélange de composition entre plantes comestibles et de plantes vivaces liées au milieu naturel. À nous de trouver la juste harmonie entre la dimension émotionnelle, sensorielle et nourricière, sans jamais rompre l’équilibre de l’espace global, du travail sur le vivant. » Ces mots des ingénieurs paysagistes concepteurs Florent et Grégory Morisseau résonneront chez quiconque aspire à travailler la culture du goût dans ses aménagements : le paysagiste est un créateur de milieux, d’ambiances. Du jardin nourricier à la promenade de cueillette, il n’y a donc qu’un pas ! Fondateurs de l’agence Chorème, les deux frères sont notamment revenus sur leur expérience du « potager embarqué », un jardin conçu en 2010 dans le cadre du Festival international de jardins I Hortillonnages Amiens, où l’acte de cueillir, du moins sa symbolique, fait partie intégrante de l’expérience du jardin.

De la culture du goût et de la transmission

« Il y a ici une convergence incroyable des idées et des enjeux qui dessinent nos métiers ». Le paysagiste concepteur Camille Muller, grand témoin de cette édition, ne pouvait mieux résumer l’un des grands enseignements de cette journée. Des horizons variés, du partage d’idées, des expériences aussi diverses en salle que sur scène… le constat est sans appel : la nouvelle culture du goût sera surtout celle de l’éducation. Introduire le jardin dans les écoles, ouvrir les portes de l’école sur le jardin, à tout âge, mais aussi réformer les filières professionnelles pour réhabiliter le (véritable) apprentissage du métier de jardinier… C’est avant tout redonner le goût de la découverte, de l’émerveillement pour le monde du vivant, et l’envie de se ré-approprier les espaces fertiles du quotidien. Experts ou passionnés, professionnels ou amateurs, à nous de cultiver le goût de la transmission !

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