PATRICK BLANC : ÊTRE BOTANISTE AUJOURD’HUI
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Un botaniste au jardin Majorelle. Dans ce lieu qui a reçu tant d’artistes, de paysagistes et d’amoureux des plantes, la nouvelle est inédite. Marc Jeanson est arrivé à Marrakech un matin de novembre 2019, renonçant – provisoirement, précise-t-il – à son poste de responsable de l’Herbier national, au Muséum d’histoire naturelle à Paris.
Marc Jeanson est ici aux anges. Les palmiers, qui sont partout, font la joie de celui qui avoue dans son livre Botaniste : « Le choix des Arécacées, que je connaîtrais bientôt mieux que ma propre famille, me rangeait dans la catégorie des doux dingues. » Enfant, ce sont les animaux qui l’intéressent, jusqu’au jour où il rapporte de l’école une phalangère avec la charge de la maintenir en vie pendant les vacances scolaires. Ce sera La rencontre de Marc Jeanson avec le végétal, qui deviendra « tourbillon et passion totale », selon ses propres termes. Vient ensuite le parcours des études, peu aisé dans un pays, la France, qui a renoncé à proposer un enseignement complet en botanique. Ce sont les rencontres avec Francis Hallé puis Patrick Blanc qui le lanceront définitivement sur la voie de la science qui étudie les plantes, pour le mener à l’herbier du Muséum.
En décidant de traverser la Méditerranée, Marc Jeanson se lance dans une aventure des temps modernes qui dessine sans doute les contours des nouvelles vocations du botaniste du XXIe siècle : contribuer à changer le regard du public sur le monde vivant.
Le jardin Majorelle, au travers de sa Fondation créée en 2011, est géré par le paysagiste Madison Cox, président de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent. Celui-ci entend aujourd’hui compléter les missions de préservation, d’enrichissement et de transmission du patrimoine dévolues à la Fondation. Le Musée berbère et la collection Yves Saint Laurent témoignent déjà de cet élan culturel et artistique. Il manquait le végétal dans ce haut lieu d’inspiration jardinière. […]
« Comment, en partant d’un jardin aujourd’hui exotique, un jardin d’artistes avec une palette végétale assez diversifiée, parvenir à présenter un vrai jardin botanique ? » se demande Marc Jeanson, qui ajoute que rien n’a été entrepris jusque-là : « Aucun scientifique n’est venu travailler sur la présentation et l’évolution des collections du jardin. Au-delà du jardin, personne ne s’est posé de questions sur l’herbier, sur la flore du Maroc et sur la manière la faire entrer au jardin… » Ce n’est finalement pas étonnant, tant les préoccupations étaient autres à l’époque de sa création. « Les générations actuelles, urbaines, coupées du vivant, ne savent plus voir. Les jeunes n’apprennent plus la botanique à l’école, poursuit-il. Notre rôle, et c’est vrai pour tout type de jardin je pense, est de donner à voir les plantes telles qu’elles sont, de fournir le vocabulaire pour expliquer le monde vivant au public. Ce lieu est idéal pour cela. » Autre constatation : l’exotisme a chassé la flore marocaine des jardins. Ici, seules deux espèces sont typiques du Maroc, la variété bleue du palmier nain et l’arganier. La situation doit changer, a-t-on décidé à la Fondation. En faisant évoluer subtilement la palette végétale du jardin, Marc Jeanson a l’ambition de modifier le regard des Marocains sur le jardin et de reconnecter le public à son patrimoine naturel : « Nous souhaitons faire de ce lieu un vrai référent scientifique dans le monde sur la flore du Maroc et d’Afrique du Nord. » Il est conscient que la transformation, qui ne peut se limiter au seul jardin Majorelle, sera longue.
Depuis 1980, l’université Cadi-Ayyad de Marrakech abrite l’herbier régional qu’un homme, le Pr Ahmed Ouhammou, essaie de maintenir et d’enrichir avec beaucoup d’énergie, en impliquant des écoles et des villages. L’herbier de Marrakech témoigne de ce patrimoine et plus encore de la mémoire des flores, pour Ahmed Ouhammou. « Cette mémoire du monde vivant est importante pour introduire de nouvelles plantes dans la collection, bien sûr, mais aussi pour faire connaître aux générations futures ce qui existait », complète Marc Jeanson. La préservation du patrimoine naturel selon le programme botanique de la Fondation Jardin Majorelle commence donc par le soutien à l’herbier régional. La réalisation d’une banque de graines complétera opportunément le dispositif.
Nos deux botanistes soulignent alors un paradoxe. Si les Marocains continuent de se soigner avec les plantes, ils les connaissent de moins en moins, étant de plus en plus nombreux à vivre en ville. « Les plantes ne sont malheureusement pas considérées comme des êtres vivants », se lamente le Pr Ahmed Ouhammou, qui déplore la pression exercée sur le végétal. Le Maroc n’a pas encore de liste rouge de plantes à protéger. La surexploitation des cultures est un autre problème. L’arganier (Argania spinosa), dont le commerce est florissant, souffre de plus en plus. Les cultures s’épuisent en raison de la surexploitation des noix d’argan. Tous les fruits sont désormais ramassés, et les arbres vieillissent sans que de jeunes individus puissent assurer la relève. Alors même que l’arganeraie, pivot d’un système agraire traditionnel, équilibre l’écosystème : la récolte des fruits permet d’exploiter la noix ; les chèvres apprécient de pâturer les feuilles et la pulpe des fruits ; le ramassage du bois mort produit un très bon charbon de bois; et la culture de céréales se développe sous les arbres.
Les transformations sociétales soulèvent une inquiétude plus grande encore : Marrakech, qui était autrefois qualifiée de cité-jardin, a vu son nombre d’espaces verts fortement réduit en raison de la densification de la ville, devenue très minérale. […]
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Cet article est extrait du neuvième opus de la revue Garden_Lab : [Être] botaniste. À découvrir dans sa version intégrale
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