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Discussion sur le thème

Christian Regouby : « Paysage et alimentation sont intimement liés »

Discussion sur le thème "La culture du goût", avec Christian Regouby.

À l’occasion de la première édition du Lab des Paysages, consacré à la culture du goût, Garden_Lab conviait Christian Regouby, Délégué Général du Collège Culinaire de France, pour une conversation sur l’évolution de notre rapport au goût et à l’alimentation, aux côtés du scientifique Marc André Selosse. À travers son témoignage, par le prisme de la diversité culinaire, il nous invite à changer notre rapport aux territoires nourriciers et à interroger leur capacité à (re)faire société.

Christian Regouby est ce qu’on appelle un militant du goût. La rencontre en 2009 de cet ancien communicant de crise avec Michel Guérard et Alain Ducasse, et sa passion pour la gastronomie et l’artisanat culinaire, le conduisent à initier avec 15 grands chefs français la création du Collège Culinaire de France. Ce mouvement militant indépendant veut faire émerger et imposer une nouvelle systémique de l’artisanat et de la diversité culinaire en alternative à l’industrialisation et à la standardisation. Christian Regouby est également co-auteur avec Alain Ducasse du livre Manger est un acte citoyen paru en 2017.

Garden_Lab. Quelle est l’importance du goût selon vous dans nos sociétés ?

Christian Regouby. Je crois réellement que le goût est au cœur de nos vies et au cœur de l’avenir du monde. Quand on y réfléchit, le goût détermine notre relation à toute chose : à nous-même, à nos propres vies, aux autres et au monde. À ce titre, j’aime raconter une anecdote qu’a vécue Alain Ducasse. Alors qu’il visitait une ferme du Massachusetts aux États-Unis, le fermier lui fit goûter l’un de ses beurres. Alain Ducasse faisant remarquer que ce dernier sentait l’orage, le fermier lui répondit que les vaches étaient pourtant restées à l’étable. Quelques jours plus tard, alors que le fermier discutait avec l’un de ses employés, ce dernier lui confiait qu’il avait bel et bien sorti les vaches paître après l’orage. Incroyable mais vrai ! Alors, il est vrai qu’Alain Ducasse est réputé comme étant un gouteur exceptionnel. Mais ce n’est pas un savoir, c’est une expérience de vie. Il est un gouteur exceptionnel parce qu’il fait trois à quatre fois par an le tour de la planète, et il goûte tout ! Le goût est une ouverture au monde extraordinaire.

G.L. Nous avons connu une forme de dé-construction du goût, en particulier par la standardisation et l’industrialisation de notre alimentation. Comment, selon vous, en sommes-nous arrivés là ? Comment inverser la tendance ?

C.R. Notre système alimentaire actuel, hérité du siècle dernier, fut positif dans le sens où il a permis de sortir d’une forme de pénurie et d’offrir une sécurité alimentaire pour tous. Malgré cela, en tant que communicant de crise, j’ai appris que tout système génère en lui-même ce qui va le détruire, et qu’à l’inverse, toute crise génère en elle-même ce qui va la sauver. Donc, ce système qui a été bénéfique est en train de générer ce qui va le détruire. L’industrialisation et la standardisation font qu’on ne peut plus produire sans détruire, et j’ai la conviction que ce système ne peut s’auto-améliorer. Il faut être hors-système, ou bien construire une multitude d’alter-systèmes articulés autour de l’artisanat et de la diversité. Derrière l’artisanat, il y a une incarnation, de l’humain, alors que derrière un processus industriel, il y a une dé-responsabilisation. Quant à la diversité, c’est la vie, alors que l’uniformité mène à la mort.

G.L. Comment remettre le goût au cœur de notre alimentation et plus largement au cœur de nos sociétés ?

C.R. Claude Lévi-Strauss disait très justement : « il ne suffit pas qu’un aliment soit bon à manger, encore faut-il qu’il soit bon à penser ». Nous devons nous poser des questions. Il est incroyable d’imaginer que quand nous allons au restaurant, nous ne posons jamais la question de savoir d’où viennent les produits, comment ils ont été fabriqués, comment ils ont été cultivés. Le problème n’est pas tant d’avoir toutes les réponses aujourd’hui, mais de poser les bonnes questions. C’est une manière de reprendre le pouvoir, à tous les niveaux, qui passe également par l’éducation au sens large. Pour apprendre, il faut faire les choses, remettre en marche nos sens qui ont été totalement anesthésiés et saturés. C’est pour cela que paysage et alimentation sont intimement liés. Manger c’est incorporer du terroir, un territoire. Comme le faisaient certains paysans qui goutaient la terre à la fin du XIXᵉ siècle. La terre, le paysage, l’alimentation doivent habiter tous nos sens éveillés, et enrichir de nouveau notre relation aux autres et au monde.

Discussion sur le thème "La culture du goût", avec Marc-André Sélosse._

Le 27 septembre 2022 se tenait la première édition du Lab des Paysages, co-organisé par Garden_Lab et art & jardins | Hauts-de-France, en plein cœur du Festival international de jardins I Hortillonnages Amiens. Un cycle de rencontres professionnelles dédié aux acteurs du jardin et du paysage, pour réfléchir et imaginer ensemble de nouvelles propositions paysagères.

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