Elle naît recroquevillée en boules brunes poilues, puis s’étire lentement en déroulant sa fronde. Elle achève son numéro par un salto arrière en dépliant ses lobes dentelés. Bienvenue dans le monde de la fougère.

Je vous sens intrigué, curieux de savoir ce qui se cache derrière ce ballet. Nous avons déniché les chorégraphes à Roquefort-les-Pins, dans les terres au-dessus de Cannes et Nice. Ici, le microclimat est rude. Le matin de notre visite, fin mars, la température était descendue à 3 °C. À notre départ, en début d’après midi, le thermomètre avait franchi 20 °C. C’est une chance pour Olivier Ezavin et Pascale Arnould. Ils se sont installés ici il y a vingt-cinq ans dans le but de créer une collection de plantes d’ombre venues des quatre coins du monde, parfaitement adaptées à nos climats. « Les pépinières et jardineries des alentours vendaient surtout des plantes de soleil et les rares plantes d’ombre proposées étaient réservées à la terre de bruyère. Or ici, en été, on vit à l’ombre et les terres sont plutôt calcaires », explique Olivier. Après cette entrée en matière, et connaissant les difficultés d’aménager un jardin à l’ombre, nous sommes impatients ce matin de savoir quelles merveilles vont nous être révélées, et surtout d’apprendre si ces bijoux ont la vie facile !

Dès l’entrée de la pépinière, les fougères et leurs complices de l’ombre se précipitent à notre rencontre et nous mènent aux serres de culture. Cinq tunnels reproduisent cinq microclimats différents pour satisfaire les exigences des différentes espèces de la collection. Toutes ont une histoire et un conteur qui aime la transmettre, Olivier. « C’est une pépinière de poche et surtout un lieu de vie », dit-il. Pépinière, jardin et maison ne font qu’un. Côté production, un élément important guide le collectionneur : les plantes, en provenance du monde entier, sont multipliées ici puis testées partout en France par un réseau d’amis avant d’être versées au catalogue.

Grâce notamment à la complicité de son ami Patrick Blanc, célèbre botaniste voyageur, spécialiste des sous-bois tropicaux, Olivier Ezavin enrichit sans cesse sa collection de fougères, de bégonias et de bien d’autres adeptes de l’ombre sélectionnés avec soin. Justement, Patrick Blanc choisit finement les plantes qu’il destine à Olivier. Ici, un Begonia grandis, bien connu pour sa parfaite résistance au froid, dont les feuilles sont différentes de celles de l’espèce habituellement proposée. Là, une fougère, Pteris multifida, ramenée de Chine, qui, contrairement à ses cousines, supporte nos climats tempérés. « Il me rapporte des plantes de Corée, du Japon, de Taiwan qui vivent en altitude, et pas uniquement des espèces tropicales », précise Olivier. La visite des tunnels de culture éveille d’autres anecdotes. Les parcourir seuls nous plonge dans une inextricable jungle. Accompagné du pépiniériste collectionneur, cela change tout.

_
+ Garden_Lab#03